L'univers est vraiment grand. Nous vivons dans une galaxie, la Galaxie de la Voie Lactée. Il y a environ une centaine de milliards d'étoiles dans la Voie Lactée. Si vous prenez un appareil-photo, que vous le pointez vers une partie quelconque du ciel, et que vous maintenez l'obturateur ouvert, tant que votre appareil est rattaché au télescope spatial Hubble, vous verrez quelque chose qui ressemble à cela. Chacune de ces petites tâches est une galaxie d'environ la taille de la Voie Lactée -- et chacune possède une centaine de milliards d'étoiles. Il y a environ une centaine de milliards de galaxies dans l'univers observable. Le seul chiffre qu'il vous faut connaître c'est 100 milliards. L'âge de l'univers, entre aujourd'hui et le Big Bang, est de cent milliards en années de chien. (Rires) Ce qui en dit long sur notre place dans l'univers. Une telle image ne peut être qu'admirée. Elle est d'une extrême beauté. Je me suis souvent demandé quelle pression évolutive a poussé nos ancêtres de la région du Veld à s'adapter et évoluer afin d'apprécier pleinement des images de galaxies alors qu'ils n'en avaient aucune. Mais nous aimerions aussi comprendre l'univers. En tant que cosmologiste, je demande: pourquoi l'univers est-il ainsi? Nous possédons un indice majeur: l'univers change avec le temps. Si nous regardions une de ces galaxies et mesurions sa vitesse, elle s'éloignerait de nous. Et si nous observons une galaxie encore plus lointaine, elle s'éloignerait encore plus rapidement. Ainsi, on dit que l'univers est en expansion. Ce que cela signifie est que, par le passé, les choses étaient plus proches les unes des autres. Jadis, l'univers était plus dense, et plus chaud aussi. Si on concentre des substances, la température augmente. Cela nous semble plutôt logique. Ce qui nous est plus difficile de comprendre est que l'univers, aux premiers instants, près du Big Bang, était très, très plat. Vous pensez peut-être que ce n'est pas surprenant. L'air dans cette pièce est très plat. Vous pouvez penser, "Peut-être que les choses se sont elles-mêmes aplaties." Mais les conditions près du Big Bang sont bien plus différentes que les conditions de l'air dans cette pièce. Notamment, tout était beaucoup plus dense. L'attraction gravitationnelle des choses était beaucoup plus forte près du Big Bang. Il faut garder à l'esprit que l'univers a une centaine de milliards de galaxies, qui possèdent chacune une centaine de milliards d'étoiles. Aux premiers instants, ces centaines de milliards de galaxies étaient concentrées dans une zone de cette taille environ -- littéralement, aux premiers instants. Et il faut imaginer cette concentration en train de se faire sans aucune imperfection, sans aucune petite tache là où il y avait un peu plus d'atomes qu'à d'autres endroits. Autrement, sous la force de gravitation, ces galaxies se seraient effondrées sur elles-mêmes dans un immense trou noir. Le fait que l'univers reste très plat aux premiers instants n'est pas chose facile, c'est une formation complexe. Cela nous indique que le début de l'univers n'est pas dû au hasard. Quelque chose a provoqué ce phénomène. Nous voudrions savoir de quoi il s'agit. Un début de réponse a été apporté par Ludwig Boltzmann, un physicien autrichien du 19ème siècle. Boltzmann nous a permis de comprendre l'entropie. Vous avez entendu parler de l'entropie. Il s'agit du caractère aléatoire, désordonné, chaotique de certains systèmes. Boltzmann a fourni une formule -- aujourd'hui gravée sur sa tombe -- qui quantifie vraiment ce qu'est l'entropie. En gros, l'entropie c'est le nombre de façons de réorganiser les constituants d'un système pour que l'on ne s'aperçoive de rien, afin qu'au niveau macroscopique, il ait la même apparence. Prenons l'air dans cette pièce, vous ne remarquez pas chaque atome individuellement. Un système où l'entropie est faible ne comprend que quelques formations qui ressemblent à cela. Un système où l'entropie est élevée comprend de nombreuses formations qui ressemblent à cela. C'est une information à l'importance cruciale, puisqu'elle permet d'expliquer le deuxième principe de la thermodynamique -- le principe qui dit que l'entropie augmente dans l'univers, ou bien dans un endroit isolé de l'univers. L'entropie augmente simplement parce qu'il existe beaucoup plus de systèmes avec une entropie élevée plutôt qu'une entropie faible. C'est une formidable information mais qui oublie de mentionner autre chose. Cette idée que l'entropie augmente, au fait, se trouve derrière ce que l'on appelle la flèche du temps, la différence entre le passé et le futur. Chaque différence que l'on peut trouver entre le passé et le futur s'explique par l'augmentation de l'entropie -- le fait que l'on peut se rappeler du passé mais pas du futur. Le fait que l'on naît, puis que l'on vit et enfin que l'on meurt, toujours dans cet ordre, s'explique par l'augmentation de l'entropie. Boltzmann explique que si on commence avec une faible entropie, cette dernière va naturellement augmenter parce qu'il existe plus de systèmes avec une entropie élevée. Ce qu'il n'a pas expliqué est la raison pour laquelle l'entropie était faible en premier lieu. Le fait que l'entropie de l'univers était faible s'explique par le fait que l'univers à son début était très, très plat. Nous voulons comprendre cela. C'est notre travail en tant que cosmologistes. Malheureusement, ce n'est pas vraiment un problème auquel nous avons apporté beaucoup d'attention. Ce n'est pas l'une des premières choses dont on fait mention si on demande à un cosmologiste aujourd'hui, "Quels sont les problèmes auxquels on essaye de répondre?" Un de ceux qui avait bien compris qu'il y avait bien là un problème était Richard Feynman. Il y a 50 ans, il a donné de nombreuses conférences. Il a présenté des conférences à succès qui ont été éditées sous le titre : "La nature de la physique" Les cours qu'il a donné à des étudiants de 1er cycle de la faculté Caltech ont été publiés dans l'ouvrage "Cours de physique de Feynman" Les cours qu'il a donné à des étudiants de 2ème cycle de la faculté Caltech ont été publiés dans l'ouvrage "Leçons sur la gravitation" Dans chacun de ses livres, chacune de ses conférences, il a insisté sur ce mystère: Pourquoi le début de l'univers avait-il une entropie si faible? Il a dit -- je ne vais pas imiter son accent -- "Pour une raison ou l'autre, à un moment donné, le contenu énergétique de l'univers présentait une très faible entropie, et depuis, l'entropie a augmenté. Le concept de la flèche du temps ne peut pas être entièrement compris tant que le mystère des origines de l'histoire de l'univers ne s'éloigne pas davantage de la spéculation au profit de la compréhension." Voilà notre travail. Nous voulons savoir -- c'était il y a 50 ans, vous vous dites, "On a sûrement tout compris depuis." Ce n'est pas vrai, on a pas la solution à ce jour. La raison pour laquelle le problème a empiré, plutôt que le contraire, est qu'en 1998 on a appris sur l'univers une chose cruciale qu'on ignorait jusqu'alors. On a appris qu'il accélère. L'univers n'est pas seulement en expansion. Si vous regardez la galaxie, elle s'éloigne. Si vous revenez dans un milliard d'années et la regardez de nouveau, elle s'éloignera encore plus rapidement. Des galaxies s'éloignent de nous à une vitesse grandissante. Ainsi, on dit que l'univers accélère. Contrairement à la faible entropie du début de l'univers, bien que nous en ignorions la raison, nous avons au moins une bonne théorie pour expliquer la chose, si cette théorie s'avère juste, alors il s'agit de la théorie de l'énergie noire. C'est l'idée que le vide possède une énergie propre. Dans chaque petit centimètre cube de l'espace, qu'il y ait ou non quelque chose, qu'il y ait ou non des particules, de la matière, des rayonnements ou autres, il y a toujours de l'énergie, même dans l'espace lui-même. Et selon Einstein, cette énergie exerce une poussée sur l'univers. C'est une impulsion en continu qui a éloigné les galaxies les unes des autres. Parce que l'énergie noire, contrairement à la matière ou aux rayonnements, ne s'atténue pas avec l'expansion de l'univers. La quantité d'énergie dans chaque centimètre cube reste la même, alors même que l'univers continue de grandir. Ceci à des conséquences majeures concernant le futur de l'univers. D'abord, l'univers sera toujours en expansion. Quand j'avais votre âge, on ignorait ce qu'il adviendrait de l'univers. Certains pensaient que l'univers allait de nouveau s'effondrer dans le futur. Einstein aimait cette idée. Mais s'il y a l'énergie noire, et si celle-ci ne disparaît pas, l'univers continuera à s'étendre indéfiniment. Vieux de 14 milliards d'années, 100 milliards en années de chien, mais un nombre infini d'années dans le futur. En attendant, l'espace nous semble limité, en principe. L'espace peut être fini ou infini, mais en raison de l'accélération de l'univers, il y a des endroits que nous ne pouvons pas voir et ne verrons jamais. Il y a une partie limitée de l'espace à laquelle nous avons accès, entourée par un horizon. Ainsi, même si le temps perdure à jamais, l'espace est, pour nous, limité. Enfin, le vide présente une température. Dans les années 1970, Stephen Hawking nous a dit qu'un trou noir, bien qu'on l'imagine noir, émet en réalité un rayonnement, lorsqu'on prend en compte la mécanique quantique. La courbure de l'espace-temps autour du trou noir entraîne une variation de la mécanique quantique, et le trou noir émet un rayonnement. Un calcul rigoureusement similaire de Hawking et Gary Gibbons a montré que, si de l'énergie noire est présente dans le vide, alors tout l'univers émet des rayonnements. L'énergie du vide entraîne des variantes quantiques. Ainsi, même si l'univers perdure à jamais, et que la matière ordinaire et les rayonnements se dissipent, il y aura toujours des rayonnements, des variantes thermiques, même dans le vide. Ce que cela signifie est que l'univers s'apparente à une boîte de gaz qui va durer pour toujours. Qu'est-ce que cela implique? Boltzman a étudié cette implication au 19ème siècle. Il a dit que l'entropie augmente parce qu'il existe beaucoup plus de systèmes dans l'univers présentant une entropie élevée plutôt qu'une entropie faible. Mais c'est une déclaration probabiliste. Elle va probablement augmenter, et la probabilité est extrêmement grande. Ce n'est pas quelque chose qui doit vous inquiéter -- l'air dans cette pièce qui se concentre en un même endroit pour nous faire suffoquer. C'est très, très improbable. Sauf s'ils verrouillent les portes et nous laissent enfermés là, littéralement pour toujours, ça pourrait arriver. Toutes les configurations possibles que l'on peut obtenir à partir des molécules dans cette pièce, on finirait par les obtenir. Donc selon Boltzmann, on peut commencer avec un univers qui se trouve en équilibre thermique. Il ignorait tout du Big Bang. Il ignorait tout de l'expansion de l'univers. Pour lui, l'espace et le temps avaient été élucidés par Isaac Newton -- Ces notions étaient absolues; valables pour toujours. Alors, son idée d'un univers naturel consistait en un univers où les molécules d'air étaient réparties de manière égale de partout -- les molécules de tout. Si vous êtes Boltzmann, vous savez que, si vous êtes assez patients, les variantes aléatoires de ces molécules vont parfois les transformer en systèmes à faible entropie. Et puis, suivant le cours naturel des choses, elles vont de nouveau être en expansion. Il ne s'agit pas pour l'entropie d'être toujours en augmentation -- on peut obtenir des variantes même dans des systèmes plus organisés et à faible entropie. Et bien si cela est vrai, Boltzmann a ensuite inventé deux concepts très modernes -- le multi-univers et le principe anthropique. Il affirme que le problème que pose l'équilibre thermique est qu'il nous est impossible d'y vivre. Rappelez-vous, la vie elle-même dépend de la flèche du temps. Nous ne pourrions pas traiter l'information, métaboliser, marcher et parler, si nous vivions dans un milieu en équilibre thermique. Si vous imaginez un univers vraiment immense, un univers infiniment grand, avec des particules qui entrent en collision au hasard, il y aura parfois des petites variations à des niveaux de faible entropie, puis, elles retournent à leur état de départ. Mais il y aura aussi des variations considérables. Parfois, vous créerez une planète, une étoile, ou une galaxie, ou une centaine de milliards de galaxies. Boltzmann affirme que nous vivrons uniquement dans la partie de ce multi-univers, dans la partie de cet ensemble infiniment grand formé de particules fluctuantes, où la vie est possible. C'est l'endroit où l'entropie est faible. Notre univers est en fait une de ces choses qui arrivent de temps à autre. Maintenant, votre devoir maison est de bien réfléchir à cela, de méditer sur sa signification. Voici une célèbre citation de Carl Sagan: «Pour faire une tarte aux pommes, il vous faut d'abord créer l'univers.» Mais il avait tort. Dans le scénario de Boltzmann, si vous voulez faire une tarte aux pommes, attendez simplement que le mouvement aléatoire des atomes fassent la tarte aux pommes pour vous. Cela se produira bien plus souvent que de voir des mouvements aléatoire d'atomes créer pour vous un verger de pommiers mais aussi du sucre, un four et puis enfin la tarte aux pommes. Ce scénario fournit donc des prévisions. Et ces prévisions sont les suivantes: les fluctuations qui mènent à notre création sont minimes. Même si vous imaginez que la pièce où nous sommes existe bel et bien, et que nous nous y trouvons et nous avons, non seulement nos souvenirs, mais aussi le sentiment de savoir, qu'à l'extérieur, il existe la faculté Caltech, les Etats-Unis, la Voie Lactée, ces sentiments fluctuent plus facilement de façon aléatoire dans notre cerveau plutôt que dans des entités comme Caltech, les Etats-Unis et la galaxie. La bonne nouvelle est que ce scénario ne fonctionne donc pas, il est incorrect. Ce scénario prévoit que nous sommes une fluctuation minime. Même si on laissait de côté notre galaxie, on n'obtiendrait pas une centaine de milliards d'autres galaxies. Et Feynman l'avait aussi compris. Il a dit "En partant de l'hypothèse que le monde est lui-même une fluctuation, tout indique que si on observe une partie du monde que l'on a jamais vu avant, on la trouvera brouillée, pas exactement comme la partie observée juste avant -- la cause: un haut niveau d'entropie. Si notre ordre devait être amené à fluctuer, nous nous attendrions à voir ce même ordre à l'endroit même où nous l'avions remarqué. Ainsi, on en conclue que l'univers n'est pas en lui-même une fluctuation." C'est bien. On se demande maintenant: "quelle est la bonne réponse"? Si l'univers n'est pas une fluctuation, pourquoi le début de l'univers avait-il une faible entropie? J'aimerais beaucoup vous répondre, mais il ne me reste que peu de temps. (Rires) Voici l'univers dont on vous parle, par rapport à l'univers qui existe réellement. Je viens juste de vous montrer cette image. L'univers est en expansion depuis environ 10 milliards d'années. Il se refroidit. Nous en savons aujourd'hui suffisamment sur l'avenir de l'univers pour en parler davantage. Si l'énergie noire continue d'exister, les étoiles qui nous entourent vont épuiser leur carburant nucléaire et cesser de brûler. Elles vont être aspirées dans des trous noirs. On vivra alors dans un univers où il n'y a que des trous noirs. Cet univers durera pendant 10 puissance 100 années -- beaucoup plus longtemps que l'âge de notre univers. Le futur est beaucoup plus long que le passé. Mais, même les trous noirs ne durent pas éternellement. Ils vont s'évaporer, nous nous retrouverons simplement avec du vide. Ce vide dure pratiquement pour toujours Cependant, puisque le vide émet des rayonnements, il existe bien des fluctuation thermiques, ça tourne donc autour de toutes les différentes combinaisons possibles des degrés de liberté qui existent dans le vide. Ainsi, même si l'univers existe pour toujours, il existe en réalité un nombre limité de choses qui peuvent se passer dans l'univers. Elles se déroulent toutes pendant une période correspondant au calcul: t = 10[10][120] Voici 2 questions pour vous. La première: si l'univers dure pendant une période de "t= 10[10][120] années". pourquoi sommes-nous nés au cours des 14 premiers milliards années, pendant que les restes du Big Bang sont encore chauds et confortables? Pourquoi ne sommes-nous pas dans le vide? Vous répondriez peut-être "Car rien ne s'y trouve pour favoriser la vie." Mais c'est faux. Vous pourriez très bien être une fluctuation aléatoire créée à partir du néant. Pourquoi n'est-ce pas le cas? Encore un autre devoir maison pour vous. Comme je l'ai dit, je ne connais pas la réponse. Je vais vous présenter mon scénario préféré. Soit c'est ainsi. Il n'y a aucune explication possible. C'est un fait brut à propos de l'univers. que l'on doit accepter et ne plus questionner. Ou alors le Big Bang n'est pas le début de l'univers. Un oeuf intact possède une faible entropie, et pourtant, quand on ouvre le frigo, on ne s'exclame pas "Oh, que c'est surprenant de trouver cet objet à faible entropie dans mon frigo." C'est parce qu'un oeuf n'est pas un système fermé; Il provient d'une poule. Peut-être que l'univers provient d'une poule universelle. Peut-être que quelque chose, à travers le développement des lois de la physique, donne vie à des univers comme le nôtre dans des systèmes à faible entropie. Si c'est vrai, ça devrait se produire plus d'une fois; nous ferions partis d'un multi-univers bien plus vaste. C'est mon scénario préféré. Donc, les organisateurs m'ont demandé de terminer avec une spéculation audacieuse. Ma spéculation audacieuse est que l'histoire me donnera raison. Dans 50 ans, toutes mes idées folles seront acceptées en tant que vérités par les communautés scientifiques et externes. Nous croirons tous que notre petit univers n'est en fait qu'une toute petite partie d'un multi-univers bien plus vaste. Et encore mieux, nous comprendrons ce qui s'est passé durant le Big Bang en formulant une théorie que l'on pourra comparer à des observations. C'est une prévision. Il se peut que j'ai tort. Mais nous réfléchissons en tant que race humaine à propos de la nature de l'univers, la raison pour laquelle il est ce qu'il est depuis tant d'années. C'est palpitant de penser qu'un jour on ait enfin la réponse. Merci (Applaudissements)